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Alexandra Badea, écrivaine et metteuse en scène: “Ce qui m’intéresse c’est comment les blessures de l’histoire affectent encore et toujours les générations d’aujourd’hui.”

foto: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

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ROMÂNĂ

 Je ressentais une forte agressivité qui venait de l’extérieur, j’avais besoin d’y apporter une réponse et je ne savais pas comment.”

L’histoire de la vie d’Alexandra Badea prend ses racines dans une Roumanie ayant marqué pour toujours les générations qui ont grandi sous la dictature de Nicolae Ceaușescu.

Née à Bucarest en 1980, Alexandra avait devant elle un parcours de vie tracé d’avance, similaire à celui de toute la génération des jeunes roumains à l’époque.

“Dans les années 1990, on avait tendance à orienter ses enfants vers un avenir sûr. On privilégiait donc certaines filières plus que d’autres, à savoir la médecine, le droit, les études économiques ou les études d’ingénieur”.

Les parents d’Alexandra ont insisté eux-aussi pour qu’elle emprunte l’une de ces voies.

Mais leur fille avait découvert l’univers fascinant du Théâtre et ressentait le besoin d’exprimer, à travers l’art, des sentiments que les calculs mathématiques ne pouvaient pas transposer.

“Comme j’étais élève à l’Ecole centrale de Bucarest, j’apercevais par la fenêtre ce qui se passait dans la cour du Théâtre Bulandra – Gradina Icoanei. Je voyais comment on déchargeait les décors ou encore les acteurs qui répétaient leurs rôles.

Un jour, j’ai séché les cours avec une amie et nous sommes entrées dans le théâtre, pendant les répétitions. Nous nous sommes liées d’amitié avec les ouvreuses qui nous ont fait faire le tour du bâtiment, puis nous sommes entrées dans les loges, à l’atelier des costumes, et j’ai été fascinée par le théâtre vu de l’autre côté de la scène, ce qui se passait en coulisses.”

Alexandra Badea în culisele Teatrului La Colline, Paris, iulie 2022/ foto: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

Alexandra Badea dans les coulisses du Théâtre de la Colline, Paris, juillet 2022/ photo : Bogdan Iordache Cultura la dubă

C’était le premier contact avec l’univers du théâtre d’une adolescente qui n’avait jamais vu un spectacle auparavant.

“Le premier spectacle que j’ai vu était le Lit de Procust de Cătălina Buzoianu. C’était d’après un roman que j’avais aimé et qui était au programme du bac.

Ce fut une rencontre bouleversante pour moi, un choc esthétique et un spectacle que j’ai vu au moins dix fois en deux années de lycée.

C’est ainsi que j’ai cherché à voir les autres spectacles de Cătălina Buzoianu. A un moment donné, je me suis dit une chose assez idiote : si elle peut faire ça, j’en suis capable aussi.”

On lui avait dit depuis toujours qu’elle n’avait pas de talent particulier, ni pour écrire ni dans nul autre domaine artistique et elle avait fini par y croire elle-même. Metteur en scène semblait pourtant être la voie appropriée pour rassembler des gens talentueux capables d’exprimer dans des spectacles ce qu’elle ne réussissait pas à dire autrement.

“Depuis la seconde, j’avais ce besoin de parler de ce que je ressentais : colère, tristesse, de fortes émotions qui me faisaient mal. C’était une sorte de réponse, face à l’agressivité du milieu où je vivais, tant à l’école qu’en société.

Je me suis dit que je pouvais exprimer à travers les images et les mots ce que je ressentais, évacuer la fureur qui m’habitait.

Lorsque j’ai dit que je voulais faire du journalisme, on m’a découragée. D’accord pour le journalisme, mais que je finisse d’abord une faculté sérieuse. J’ai pensé à des études sur la photographie. «Toi et les Arts Plastiques? T’es pas douée pour le dessin.”

Le mot « talent » revenait sans cesse, une notion que je repousse maintenant. Je ne sais pas ce que le talent veut dire.”

Alexandra Badea în fața Teatrului La Colline, Paris, iulie 2022/ foto: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

Alexandra Badea devant le Théâtre de la Colline, Paris, juillet 2022 / photo par: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

En France, on ne parle jamais de talent. Je fais des workshops avec des étudiants dans les écoles de théâtre mais s’il m’était arrivé de parler de talent, dire par exemple que quelqu’un a plus de talent que quelqu’un d’autre, j’aurais été virée. Cette notion n’existe pas.

On y parle d’aptitude, d’authenticité, de singularité et de travail, mais pas de talent. Les écoles de théâtre françaises essaient de former des artistes et non pas des acteurs qui soient aptes à exécuter. Des artistes courageux qui savent exprimer leur personnalité et assumer un point de vue. D’ailleurs, je pense que les écoles de théâtre de Roumanie devraient elles-aussi se concentrer plus là-dessus.

Nous, en Europe de l’Est, on lie le talent à quelque chose de religieux, quelque chose d’inné. Je ne suis pas d’accord.

Le talent peut s’enseigner. Je le vois comme un muscle que l’on entraîne sans cesse, par tout ce qu’on voit, par des discussions, des livres, des films ou encore des expériences de vie.”

Pour avoir le droit de se présenter aussi à l’admission des études universitaires de mise en scène à l’UNATC, Alexandra a dû d’abord passer par le concours d’études économiques, comme son père l’a exigé.  Voilà pourquoi elle est doublement diplômée, en économie et en mise en scène.

20 ans plus tard, Alexandra Badea est l’une des metteuses en scène émergentes les plus appréciées de France et de Roumanie. Pourtant, si elle a accédé à l’élite culturelle française, c’est grâce à l’écriture dramaturgique, son véritable moyen d’expression.

A la fin de ses études universitaires dans deux facultés de Roumanie, elle obtient un master de Théorie et esthétique théâtrale de la Sorbonne. Même si ce n’était pas son objectif, elle est restée à Paris.

Alexandra Badea, Paris, iulie 2022/ foto: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

Alexandra Badea, Paris, juillet 2022/ photo: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

Ses premiers spectacles, elle les a mis en scènes dans des petits théâtres parisiens, avec un petit budget et des amis qui acceptaient de répéter sans être payés.

“J’ai fait un spectacle qui s’appelait Histoires de famille – on l’a fait jouer plusieurs fois. Je ne comprenais rien au système. Ça a été vraiment dur à l’époque. En France, il n’y a pas de troupes d’acteurs, le metteur en scène a sa propre compagnie, c’est elle qui cherche des subventions d’Etat, des coproducteurs et des théâtres bien institutionnalisés dont le personnel est fait uniquement de techniciens et d’administratifs. C’est un projet qui prévoit du personnel artistique.”

“En France, un metteur en scène monte au maximum un spectacle par an, ou même un seul pendant deux ou trois ans. 70% de son activité, c’est du travail administratif.”

Somme toute, dix années de travail sont passées sans qu’elle gagne sa vie grâce au théâtre. Elle a réalisé des reportages pour RFI, travaillé avec des enfants dans des écoles, a enseigné le théâtre ou a gagné des bourses.  

Alexandra Badea, Teatrul La Colline Paris, iulie 2022/ foto: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

Alexandra Badea, Théâtre La Colline Paris, juillet 2022/ photo: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

En parallèle, elle recevait des invitations pour monter des spectacles en Roumanie à partir des textes déjà écrits. Pourtant, elle sentait que quelque chose manquait.

“Tandis qu’en Roumanie, je me voyais comme un outsider, en France on me demandait d’où venait mon accent. Mon désir était d’écrire quelque chose de ce que je ressentais moi et je ne trouvais pas la pièce capable de l’exprimer.”

“C’est arrivé au cours d’une visite en Roumanie, pendant cette période étrange entre Noël et le Nouvel An. C’était un texte très autobiographique, un collage de scènes, de monologues, de listes d’instructions. Il parlait de l’impossibilité de s’adapter, ni dans une société ni dans l’autre, ou d’assimiler les règles de la société qui sont imposées dans la famille.”

 Ce texte-là allait devenir sa première pièce de théâtre, Mode d’Emploi, qu’elle envoya ensuite par la poste à une célèbre maison d’édition, L’Arche. Une année s’écoule et on la recontacte.

“On m’a appelée pour me dire qu’on voulait me rencontrer et pour me demander si j’avais aussi d’autres textes. On voulait me publier. Quand je suis partie de ce rendez-vous, je me suis dit qu’ils allaient se raviser, je n’y croyais pas. Tout comme ceux qui me disaient qu’ils avaient l’intention de venir voir mes spectacles mais finalement ne venaient pas.”


Alexandra Badea, Theatre La Colline Paris, juillet 2022/ foto: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

En 2009, ses trois premiers textes – Mode d’Emploi et Contrôle d’identité, sur les réfugiés qui sont arrivés en France en 2005, sous la présidence de Sarkozy, puis Burnout, sur les conditions de travail dans les entreprises et les multinationales – ont été publiés dans un recueil chez Arche Editeur. Différents metteurs en scène en ont fait des spectacles dans plusieurs endroits de France.

“Ce fut une libération. Ma vie a changé d’une manière concrète. Les théâtres m’ont ouvert largement leurs portes.”

De fait, ce n’était que le début. La jeune fille à laquelle on n’a cessé de répéter à l’école en Roumanie qu’elle n’avait pas de talent pour écrire a reçu en 2013 Le Grand Prix de Dramaturgie attribué par le Ministère de la Culture Français pour la pièce Pulvérisation, publiée toujours par l’Arche éditeur.

“Personne ne s’attendait à ce que je reçoive ce prix-là. Moi non plus. J’étais au Mexique, je n’ai d’ailleurs pas pu participer à la cérémonie de remise.”

Pulvérisation est une radiographie de la société française et a été le fruit d’un travail de documentation d’une année entière pendant laquelle Alexandra a interviewé plusieurs migrants d’une petite commune près de la ville de Lyon.

“Se documenter est une étape très importante. Ce qui m’intéresse c’est comment les blessures de l’histoire affectent encore et toujours les générations d’aujourd’hui.”

Alexandra Badea, Teatrul La Colline Paris, iulie 2022/ foto: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

Alexandra Badea, Théâtre La Colline, Paris, juillet 2022/ photo: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

“J’ai rencontré les premiers ouvriers algériens qui se sont installés en France et qui habitent maintenant dans des HLM précaires, gagnent très peu et ont sacrifié leur vie pour pouvoir subvenir aux besoins de la famille restée au pays.

J’ai rencontré les épouses des ouvriers arrivés dans les années 1970. Elles n’ont fait que s’occuper des enfants et maintenant, à 60 ans, elles suivent des cours d’alphabétisation et essayent d’apprendre le français.”

“J’ai compris ce que la globalisation veut dire et comment  une décision prise ici a des conséquences sur la vie des gens de partout dans le monde.”

La pièce est devenue son texte le plus joué, et a été traduite en anglais, allemand, roumain et portugais.

Alexandra Badea, Paris, juillet 2022/ photo: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

Alexandra Badea a écrit ensuite deux romans (Zone d’amour prioritaire, 2014; Tu marches au bord du monde, 2020) et quelques scénarios de film, tout en étant la réalisatrice de ses propres courts-métrages.

“Je me suis rendu compte que mon rythme d’écriture était beaucoup plus rapide que la création d’un spectacle. Écrire est mon plus grand plaisir, car je me sens libre et je ne rencontre pas de blocages administratifs.”

Son propre statut incertain dans un pays étranger, ses rapports tendu avec son pays natal ou encore son intérêt pour les récits tus de l’histoire ont façonné une écrivaine courageuse, remarquée en France en tant qu’autrice de théâtre politique, sur des thèmes comme les multinationales, la globalisation, la colonisation ou la surveillance.

Alexandra Badea, devant le Théâtre La Colline, Paris, juillet 2022/ photo: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

Son désir d’écrire de telles histoires s’est encore renforcé après 2013, une fois acquise la nationalité française.

“Lors de la cérémonie de naturalisation, on nous a dit qu’à partir de ce moment -là, on devait assumer l’histoire du pays avec ses moments de gloires mais aussi avec ses zones d’ombre.”

C’est ce qui lui a donné la détermination de lire davantage sur la colonisation et le postcolonialisme. Et c’est ainsi que son discours artistique s’est emparé d’épisodes méconnus de l’histoire de la France.

Wajdi Mouawad, metteur en scène reconnu qui l’année dernière a choisi de mettre en scène l’Opéra Œdipe de George Enescu, lui a donné la chance de travailler dans l’un des 5 théâtres nationaux de France, le Théâtre La Colline, dont il est aussi le directeur. Alexandra Badea a choisi d’y mettre en scène une trilogie inspirée de l’histoire de la France. En travaillant sur ce projet, il lui arrivait de faire de longues balades dans le cimetière Père Lachaise, situé près du Théâtre La Colline.

Alexandra Badea, Cimitirul Père Lachaise, Paris, iulie 2022/ foto: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă
Alexandra Badea, Cimetière Père Lachaise, Paris, juillet 2022/ photo: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

“La première partie de la trilogie raconte le massacre des soldats sénégalais arrivés en France lors de la Deuxième Guerre mondiale et qui se sont battus pour libérer des territoires.

A la fin de la guerre, l’Etat français devait leur payer leur solde. Ils en ont reçu une partie, et on leur a dit que l’autre partie serait payée de retour chez eux. Une fois rentrés au pays, ils ont demandé leur dû, mais ils ont été fusillés, ça a été un massacre.  On ne connait ni le nombre des morts, ni leurs noms, car ils ont été jetés dans des fosses communes.

Tout le monde a été stupéfait. Personne ne connaissait cette histoire.”

Alexandra Badea, Cimetière Père Lachaise, Paris, juillet 2022/ photo: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

La deuxième partie de la trilogie, dont la première a été jouée au prestigieux Festival d’Avignon, est inspirée d’un autre épisode où des Algériens ont été jetés dans la Seine parce qu’ils avaient demandé des droits. La troisième parle d’enfants d’immigrés ramenés pour repeupler des zones rurales de France.

Jouée aussi intégralement, la trilogie a connu un grand succès et de nombreuses représentations.

Nous avons trouvé l’ancienne élève de lycée qui se glissait autrefois dans les coulisses du Théâtre Bulandra dans les coulisses de l’un des théâtres les plus importants de France, en tant que metteur en scène français d’origine roumaine.

Alexandra Badea, Cimetière Père Lachaise, Paris, juillet 2022/ photo: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

A quelques pas seulement du théâtre, quelques-uns de ses livres, distingués par plusieurs prix, trônent dans la vitrine d’une librairie. Pourtant, au-delà de toute récompense, les textes et les spectacles d’Alexandra Badea représentent beaucoup plus qu’un gage de prestige. Ils donnent une voix à ceux qui sont invisibles.

Les livres d’Alexandra Badea dans la vitrine d’une librairie parisienne– Paris, juillet 2022/ photo: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

En Roumanie, elle a écrit sur le Pogrome de Iasi, dans la pièce Parfait composé, mise en scène au Théâtre National Radu Stanca de Sibiu. Elle s’intéresse aussi à la psychologie transgénérationnelle, à la manière dont on transmet les choses d’une génération à l’autre et dont on réussit à en prendre la distance. C’est précisément le sujet de son dernier spectacle, Exil, dont la première aura lieu cet automne au Théâtre National de Bucarest. 

“On nous a appris à survivre sans dévoiler sa pensée, on a dû s’adapter, se faufiler et sacrifier certaines choses. Je ne sais pas si on a affaire à une problématique roumaine, peut-être est-elle universelle, mais en Roumanie cela me faisait plus mal.”

“J’ai voulu depuis toujours écrire sur ce sujet-là. Parler d’exil, des rapports avec la Roumanie, de la colère et de l’amour que nous ressentons tous, du désir de partir, du désir de rentrer, de l’impossibilité de s’adapter ici. Mais aussi de l’éducation et des blocages que l’on hérite de l’école et de la famille.”

Alexandra Badea vit et travaille à Paris depuis presque 20 ans et pour l’instant elle ne s’imagine pas habiter ailleurs.

Alexandra Badea, Paris, juillet 2022/ photo: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

“Je ne me considère pas comme une immigrée. C’est l’expérience ici qui m’a fait prendre racine. Mais je suis constamment en mouvement, je ne reste pas dans un seul endroit.”

“Je me nourris beaucoup de toutes les influences culturelles. J’habite un quartier près de la Gare de l’Est où il y a des salons de coiffure africains, puis une zone qui s’appelle La petite Turquie et une autre asiatique.

Ce mélange me manque lorsque je suis à Bucarest, surtout d’un point de vue artistique. Paris est parmi les seules villes au monde où on peut voir un peu de tout ce qui se fait ailleurs en matière de film, théâtre ou exposition.

On peut aller voir un film indépendant du Cameroun ou du Guatemala. Ça ne me nourrit même pas en tant qu’artiste, mais en tant qu’être humain. J’ai besoin de cette énergie. Paris est une source d’énergie.”

Alexandra Badea, Paris, juillet 2022/ photo: Bogdan Iordache/ Cultura la dubă

La France, c’est le pays qui lui a ouvert les portes d’une culture universelle, lui a décerné l’insigne de Chevalier de l’ordre des Arts et des Lettres. Cependant, Alexandra revient constamment dans son pays natal avec lequel elle tente une réconciliation à travers le théâtre.

“Je veux parler aussi au public de Roumanie. C’est important, voire vital pour moi.”

Je ne saurais pas dire pourquoi. Je ne sais même pas si on a besoin de moi, mais moi j’ai ce besoin de faire quelque chose en Roumanie. Si j’ai voulu parler des épisodes cachés de l’histoire de la France, je me suis dit qu’il est bien temps de parler des épisodes cachés de l’histoire de la Roumanie aussi.”  

***L’article fait partie de la série “La Semaine de la France”, un projet Cultura la dubă soutenu par BNP Paribas.

La traduction en langue française, offerte par l’Institut Culturel Roumain de Paris, a été réalisée par Cristina Hermeziu avec l’aide de François Deweer.


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